Dossier
Stress, fatigue, inflammation : La puissance des adaptogènes (1/7)
Face au stress contemporain, les plantes adaptogènes reviennent sur le devant de la scène. Reconnues depuis des siècles par les médecines traditionnelles asiatiques, elles sont de plus en plus populaires chez les Occidentaux qui apprécient leur action sur le stress, la fatigue, l'immunité ou la performance sportive. Originaires d'Asie, elles se cultivent aujourd'hui en France et nous permettent de profiter de leurs bienfaits en circuit court.
Stress, fatigue, inflammation : La puissance des adaptogènes
Face au stress contemporain, les plantes adaptogènes reviennent sur le devant de la scène. Reconnues depuis des siècles par les médecines traditionnelles asiatiques, elles sont de plus en plus populaires chez les Occidentaux qui apprécient leur action sur le stress, la fatigue, l'immunité ou la performance sportive. Originaires d'Asie, elles se cultivent aujourd'hui en France et nous permettent de profiter de leurs bienfaits en circuit court. Sabrina Debusquat, Agathe Thine
Désignées comme « toniques supérieurs » dans la médecine traditionnelle chinoise (MTC) et rasayanas en ayurvéda, les plantes adaptogènes, ainsi nommées par le toxicologue russe Nicolaï Lazarev, firent l’objet de recherches scientifiques en URSS dès les années 1940, pour augmenter la résistance physique des soldats. Le schisandra (Schisandra chinensis), une baie rouge issue de longues lianes qui poussent en Chine et en Mongolie, fut la première à être étudiée. Des milliers d’études furent ensuite réalisées, particulièrement sur le ginseng (Panax ginseng), l’éleuthérocoque (Eleutheroccocus senticosus), la rhodiole (Rhodiola rosea) et l’ashwagandha (Withania somnifera). Dans les années 1970 et 1980, les athlètes en bénéficièrent, notamment lors des Jeux olympiques, ainsi que les cosmonautes de la station Mir. Les adaptogènes se feront connaître ensuite en Occident.
En effet, elles augmentent la résistance de l’organisme face aux sources de stress physique, chimique ou biologique, agissant dans tout le corps sans viser un organe ou un état pathologique particulier, leur mécanisme restant encore assez mystérieux. « Ces plantes agissent principalement au niveau endocrinien (particulièrement du cortisol) et permettent d’éviter l’épuisement de l’organisme en situation de stress aigu ou prolongé », précise Pascale Gélis‑Imbert, docteure en pharmacie spécialisée en phytothérapie et aromathérapie et auteure du Guide de médecine intégrative par les plantes (éd. Jouvence).
Il n’existe pas de liste officielle de plantes adaptogènes, qui sont parfois confondues avec les plantes toniques ou antistress. Toutefois, leurs trois caractéristiques communes sont d’augmenter la résistance de l’organisme face au stress, d’avoir une action normalisatrice (pour diminuer les déséquilibres liés au stress) et de ne créer aucune perturbation du fonctionnement normal de l’organisme. L’herboriste David Winston, une sommité du domaine, les classe en trois catégories : les adaptogènes « certaines » (ashwagandha, éleuthérocoque, ginseng asiatique, rhaponticum, rhodiole, schisandra, champignon cordyceps et shilajit, une résine minérale), les « probables » (astragale, basilic tulsi, shatavari et champignon reishi), et les « possibles » (codonopsis, jiaogulan et maca).
Tonique, antistress ou adaptogène ?
Les plantes calmantes du système nerveux, restauratrices des surrénales ou stimulantes cérébrales sont souvent confondues avec les adaptogènes. Ces plantes sont en réalité des « amphotères », elles agissent sur un organe ou système (nerveux, hormonal) précis. A contrario, les adaptogènes agissent sur tout l’organisme. Ainsi, certains estiment que les toniques baies de goji, gingembre, réglisse ou bourgeons de cassis, la stimulante bacopa ou le calmant safran ne sont pas des adaptogènes au sens strict. Toutefois, les choisir à bon escient permet de diminuer la pression commerciale sur certaines espèces en voie d’extinction, comme la rhodiole.
Stéphanie Mezerai, praticienne et formatrice en naturopathie, auteure des Superpouvoirs des plantes adaptogènes (éd. Leduc), estime ainsi que le bourgeon de cassis est « surtout un tonique surrénalien » et que le safran « ne restaure pas l’équilibre du corps » comme le ferait une adaptogène. Mais d’autres thérapeutes adoptent une vision plus large. En effet, dans nos sociétés modernes très touchées par le stress, particulièrement depuis la crise du Covid, le terme « adaptogène » est devenu tendance car il semble répondre à bon nombre de nos problématiques. Il faut dire que ces plantes permettent de combattre la fatigue, améliorent les performances mentales, peuvent soulager la dépression et l’anxiété, les troubles du sommeil, les douleurs et inflammations dues à l’arthrose et certaines auraient même des activités anticancéreuses ou un effet sur la fibromyalgie.
Pascale Gélis‑ Imbert les recommande quand un « événement important ou stressant se profile, examen, concours, épreuve sportive, lorsqu’on doit affronter un deuil », ou encore en présence d’un phénomène d’épuisement, de burn-out. En curatif, elles aideront à « tenir » durant l’épreuve, ainsi que chez les patients stressés, anxieux, qui souffrent de troubles du sommeil. Durant une convalescence, elles soutiennent l’organisme pour qu’il retrouve son équilibre. Stéphanie Mezerai les apprécie particulièrement pour les troubles hormonaux féminins, comme ceux liés à la ménopause, car les adaptogènes viennent prendre le relais des surrénales et diminuent de nombreux effets liés à la chute des œstrogènes.
Originaires d’Asie ou de Russie, ces végétaux semblent tirer leurs propriétés des substances qu’ils sécrètent en climat extrême, notamment montagneux. La plupart sont toutefois cultivés depuis peu en France (lire ci-contre). S’assurer de la provenance de ces plantes est en tout cas important. De façon générale, il convient de veiller à acheter des produits de qualité. Dans ce dossier, vous verrez aussi que ces plantes tout-terrain – nous vous en présentons sept qui nous semblent incontournables – nécessitent cependant des connaissances spécifiques pour optimiser leurs propriétés. Et qu’elles nous réservent bien des surprises.
Et les champignons dans tout ça ?
Le concept d’adaptogène s’applique aussi aux shiitakés, maïtakés, cordyceps ou reishi, des champignons adaptogènes utilisés de longue date par la MTC. « On voit fleurir sur le marché des compléments alimentaires à base de champignons, par effet de mode », explique la docteure Laure Martinat. « Mieux vaut se tourner vers un professionnel de santé bien formé et des laboratoires qui maîtrisent la production. Trop de compléments alimentaires contiennent des actifs en très faible quantité, ou de qualité médiocre. » Malgré tout, les champignons sont de plus en plus étudiés « en particulier en cancérologie, ce qui ouvre une voie potentielle d’accompagnement en tant qu’approche complémentaire ». Mais attention, ils ne doivent pas être pris au long cours. Quant aux mélanges à boire type « similicafé », « ces produits peuvent sembler intéressants, mais renseignez-vous sur la quantité exacte de champignons et leur provenance. »
Des adaptogènes made in France
Confrontés à des problèmes d’approvisionnement, mais aussi pour des raisons éthiques – la plupart des adaptogènes sont des espèces menacées à l’état sauvage et il est difficile de vérifier que les plantes sont issues de filières durables –, quelques labos font figure de précurseur en les cultivant. En Haute-Garonne, après avoir rapporté des semences de Chine, les Jardins d’Occitanie sont devenus les uniques producteurs de ginseng en France. L’entreprise produit désormais 10 tonnes de ginseng bio par an, pourtant très sensible aux parasites et maladies. Soutenue par l’Union européenne, elle mène un programme de recherche, Gins’sia, visant à améliorer naturellement la teneur en principes actifs (ginsénosides) de ses plantes. Le laboratoire Herbiolys utilise depuis cinq ans de la rhodiole cultivée dans les Hautes-Alpes pour la fabrication de leur extrait hydroalcoolique. « On a dû faire face à de nombreux échecs. De plus, sa culture est longue car il faut attendre sept ans avant de la récolter », explique le laboratoire. L’entreprise agricole Les Vergers vivants a choisi l’éleuthérocoque. Des paysans herboristes s’y mettent aussi, telles Flora Feminae ou Ouma Plantes. Ils transforment la racine d’ashwagandha, quand elle est encore fraîche. Pour tous ces opérateurs, il importe aussi de proposer un totum de la plante riche en principes actifs.