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Pourquoi les consommateurs sont-ils moins fans du bio ?

Pourquoi les consommateurs sont-ils moins fans du bio ?
Pourquoi les consommateurs sont-ils moins fans du bio ?

Après vingt ans de croissance ininterrompue, la consommation alimentaire de produits bio baisse pour la première fois en France. Pointer du doigt la hausse du coût de la vie n'explique pas tout. Concurrence d'autres labels, promesses moins claires, valorisation du local… Le contexte évolue et perd les consommateurs qui font d'autres choix.

« Pour nous et pour la planète, #BioRéflexe ». Avec ce slogan l'Agence Bio, la vitrine institutionnelle du secteur, mène depuis plusieurs mois la première grande campagne nationale en faveur des produits issus de l'agriculture biologique. Les acteurs français de ce marché espèrent ainsi regagner une clientèle qui, ces derniers temps, a tendance à bouder leurs produits. En effet, dans son rapport sur l'agriculture biologique publié le 30 juin dernier, la Cour des comptes notait une baisse de la consommation du bio de 1,3 % en 2021. Une surprise pour les producteurs et distributeurs, habitués à une progression constante depuis deux décennies. Ce fléchissement se fait sentir en particulier dans la grande distribution, qui représente plus de la moitié des ventes de produits bio. Mais certains magasins spécialisés ont aussi connu un décrochage brutal de chiffre d'affaires de 10 à 20 %, notamment au printemps dernier. Une baisse que relativise toutefois Biocoop, leader du secteur avec sa coopérative de 779 magasins spécialisés. Son président, Pierrick De Ronne, reconnaît « un certain recul au début 2022 et une perte de 1% de chiffre d'affaires en 2021 ». Mais il rappelle aussi que l'année 2020 a été exceptionnelle pour le secteur, boostée notamment par les confinements. Donc, il faut plutôt comparer selon lui les résultats avec la période d'avant-Covid : « Si on compare à 2019, nous sommes actuellement à + 15 % de croissance », précise-t-il. Si son entreprise résiste bien, Pierrick De Ronne, également à la tête de la Maison de la bio (fédération regroupant les principaux syndicats du secteur bio) admet qu'il y a des boutiques bio qui déposent leur bilan : « Le marché a connu beaucoup d'ouvertures récentes, avec parfois trop d'offres au même endroit, il est donc en train de se stabiliser ».

Un soutien inattendu au bio

On ne l'attendait pas sur ce terrain-là, et pourtant, la Cour des comptes a publié en juin dernier un plaidoyer de 300 pages en faveur du bio ! Elle appelle l'état à « amplifier » son soutien à l'agriculture biologique, dénonçant des aides publiques « insuffisantes », en tout cas « pas à la hauteur de l'ambition affichée ». La France s'est engagée à consacrer par exemple le quart de ses terres agricoles à l'agriculture biologique d'ici à 2030. On est à peine à 10 %… De même, 20 % de la nourriture distribuée dans les cantines publiques devraient provenir de la filière bio, mais on plafonne à 6 %. L'institution préconise pour les producteurs de « proportionner le niveau des aides en fonction des bénéfices environnementaux des divers labels et certifications ». Enfin, la Cour des comptes recommande de mieux communiquer aux citoyens les « bienfaits avérés » du bio, de réorienter les moyens, notamment européens, vers la filière bio et de « penser l'agriculture biologique comme un levier de l'autonomie alimentaire ».

Une crise de confiance

Même en relativisant la baisse de clientèle, le phénomène est bien là. « Le bio n'a plus le monopole du cœur des consommateurs », résume Burkhard Schaer, codirecteur d'Ecozept, bureau d'études et d'ingénierie agronomique. Lors de ses récentes enquêtes, il constate que les diverses crises (Covid, Ukraine, hausse de l'énergie et de l'inflation) ont généré « une grosse pression psychologique, qui provoque de la confusion et empêche de réfléchir sereinement ». Par exemple, les clients conservent l'idée que le bio est beaucoup plus cher, voire carrément inaccessible avec l'inflation, et ils ne prennent plus le temps de comparer. Or, s'il est vrai que le prix, notamment de tous les fruits et légumes, est monté en flèche (+ 11 % en un an selon l'observatoire des prix des biens de consommation courante), l'écart entre ceux étiquetés bio et ceux cultivés en conventionnel a tendance à se réduire. Normal, ces derniers sont davantage tributaires des énergies fossiles, dont le tarif flambe. Cet été, on a même vu des pommes et tomates françaises bio moins chères que les conventionnelles ! Mais au-delà du prix, la désaffection envers le bio résulte d'une perte de confiance dans les valeurs qu'il incarne, explique Pierrick De Ronne : « Nous assistons à une forme de dilution du label bio, avec une agro-industrie en croissance depuis 2015, des fruits et légumes qui arrivent du bout du monde emballés dans du plastique, certains produits ultra-transformés… tout ceci n'est pas conforme à l'esprit d'origine que nous défendons à la Maison de la bio ». De plus, le label AB français, en s'alignant depuis 2010 sur la charte bio européenne (le logo à la feuille), est devenu moins exigeant. Par exemple, il tolère 0,9 % de traces d'OGM dans les cultures (par contamination du conventionnel). Et l'arrivée en France de nouveaux sigles bio privés mieux-disants, tels Biocohérence (zéro tolérance OGM et volet social), Bio équitable (garantit un système vertueux de la production à la marque), peine à revaloriser l'image du bio. D'ailleurs, selon les enquêtes de Burkhard Schaer, « les gens ne distinguent plus les avantages du bio par rapport à d'autres offres, alors qu'avant ils pensaient clairement que c'était la meilleure réponse aux problématiques de santé, d'environnement, d'agriculture… ». Pour preuve, ce sondage, relayé par l'Agence bio : un Français sur deux s'estime insuffisamment informé sur ce que le label AB garantit, notamment sur la réglementation et les contrôles. Traduction : le bio n'inspire plus une confiance aveugle.

Avec 5 fruits et légumes par jour, le bio fait vraiment la différence

Les autorités de santé recommandent de « manger cinq fruits et légumes par jour », selon le célèbre slogan, afin de rester en bonne forme. Rien n'est dit en revanche sur le fait de les consommer bio ou pas, l'idée sous-jacente étant que ça nous fera du bien de toute façon. Or, une étude publiée en janvier dernier par l'université américaine d'Harvard affirme que les effets positifs sur la santé de la consommation de fruits et légumes disparaissent ou font place à des effets négatifs lorsque ces aliments sont chargés de résidus de pesticides. Les chercheurs ont suivi 160 000 personnes aux états-Unis, sans pathologie particulière. Ils ont constaté que le taux de mortalité (toutes causes confondues) diminuait de 35 % chez les gros consommateurs (3 à 4 portions par jour) de fruits et légumes faiblement pollués aux pesticides. En revanche, si ces végétaux sont fortement pollués, le fait d'en manger beaucoup augmente le taux général de mortalité (+ 1 %), notamment les maladies cardiovasculaires (+ 28 %) et respiratoires (+ 5 %).

Des labels peu lisibles

Cette crise de valeur du bio a créé une brèche dans laquelle s'est engouffré tout un marché vantant une voie intermédiaire entre le bio et le conventionnel. « L'apparition de labels et d'allégations commerciales qui se prétendent presque bio en moins cher crée beaucoup de confusion », analyse Claude Aubert, ingénieur agronome précurseur du bio qui a participé à la création du label AB. Il faut dire que dans les rayons, il devient compliqué de s'y retrouver entre les produits « zéro résidu de pesticides », « vergers écoresponsables » ou encore « HVE-haute valeur environnementale ». Cette « illisibilité de labels » soi-disant « verts » « contribue à la baisse des achats d'aliments bio », souligne d'ailleurs la Cour des comptes. Pour Claude Aubert, si le label HVE, né du Grenelle de l'environnement sur la proposition de l'association France Nature Environnement, était au départ « une bonne idée », il déplore qu'il ait été « récupéré et vidé de son intérêt écologique par le gouvernement, qui le présente pourtant au public comme l'équivalent du bio ou presque ! De plus, il est beaucoup moins contrôlé que le label bio européen ».

Ces labels qui concurrencent le bio

Vergers écoresponsablesVergers écoresponsables

Créé par l'Association nationale pommes poires (ANPP), ce label met en avant des « pratiques agronomiques » et une « protection raisonnée du verger ». Les pommes, poires, nectarines, pêches et abricots sont cultivés avec une « préférence pour les méthodes biologiques », dixit le site internet. Traduction : ils limitent les traitements phytosanitaires, mais en utilisent toujours.

Zéro résidu de pesticidesZéro résidu de pesticides

Ce logo, créé il y a cinq ans, est celui d'une initiative privée portée par le collectif Nouveaux Champs (producteurs et distributeurs). L'utilisation des pesticides ne s'effectue ici que très en amont de la culture. Pour un taux final dans les fruits et légumes qui n'est pas nul comme l'affiche le label, mais de 0,001 mg/kg. Ce qui n'est pas anodin pour la santé. Sans parler des conséquences sur la pollution des sols et cours d'eau, ainsi que sur la vie des insectes.

HVE (haute valeur environnementale)HVE (haute valeur environnementale) 

Plus de 8 200 exploi­tations françaises s'inscrivent dans cette démarche soutenue par le ministère de l'Agriculture. Créé en 2011, le label est censé garantir des pratiques agricoles plus vertueuses : moins de produits phytosanitaires (pas plus de 30 % du chiffre d'affaires), moins d'eau et préservation de la biodiversité. La Cour des comptes l'estime « peu exigeant en matière environnementale ».

Pour faire ses courses, difficile de s'y retrouver dans les multiples logos et labels alimentaires. Afin de vous aider à choisir ce que vous mettez dans votre assiette, nous décryptons ces logos qui s'affichent entre conventionnel et bio.

La séduction ambiguë du local

Autre changement, les consommateurs s'avèrent de plus en plus enclins à manger local. L'habitude des circuits courts a été prise aussi pendant les confinements, correspondant à un acte d'achat engagé envers les petits producteurs. « Le local séduit beaucoup, car cela paraît plus simple, il génère une confiance presque aveugle. Dans nos enquêtes, les gens nous disent que cette proximité peut leur permettre de vérifier eux-mêmes la qualité de ce qui est produit. En réalité, ils reconnaissent ne jamais le faire », relate Burkhard Schaer.

Il faut connaître son producteur pour savoir ce qu'on lui achète

Et c'est là où le bât blesse, car cultiver en local ne signifie pas forcément produire de manière écologique. En effet, il faut vraiment bien connaître son producteur pour savoir ce qu'on lui achète. Claude Aubert avertit : « En local, on aura autant l'agriculteur qui cultive en bio sans avoir la certification que le petit producteur qui traitera trente fois ses fruits avec des pesticides ». Même réserve quant à la marque « C'est qui le patron ? » créée en 2016 par un collectif de consommateurs qui labellisent ses produits avec un engagement de qualité et de soutien direct aux producteurs. Une idée louable, certes, mais qui repose sur de l'agriculture raisonnée, donc traitée chimiquement.

De fait, le local, très en vogue, fait de l'ombre au bio. Allier les deux serait évidemment la meilleure solution pour redorer le blason du secteur. La chaîne Naturalia a d'ailleurs récemment axé sa communication en ce sens. Biocoop travaille déjà de son côté avec nombre d'acteurs locaux et, pour ses produits importés, cherche à « rapprocher les lieux de production en créant de nouvelles filières en France, par exemple pour les amandes, qui proviennent trop souvent de Turquie ». Quant à faire baisser le prix des produits bio, « c'est possible, oui », avance Pierrick De Ronne, « à condition que les pouvoirs publics nous aident, car le bio n'est pas juste un segment de marché, il porte un engagement collectif de société ».

Quoi qu'il en soit, le contexte actuel doit amener les acteurs du bio à faire preuve de dynamisme. De façon à rassurer le public, le convaincre à nouveau alors qu'un sondage récent de l'Agence bio montre que les deux tiers des Français n'ont jamais entendu parler du bio via la publicité. Les acteurs du secteur sont en train de réaliser que le temps où le bio se vendait tout seul est terminé. Et pour redevenir des adeptes, les consommateurs ont besoin d'informations fiables, concrètes avec des preuves que les promesses du bio sont bel et bien tenues.

Sources :

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