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Naturopathie, un soutien complémentaire pour les malades du cancer

Naturopathie, un soutien complémentaire pour les malades du cancer

Ce mois-ci a lieu la 30e édition d'Octobre rose. L'occasion pour thérapeutes et médecins d'évoquer le rôle de la naturopathie, encore trop rarement utilisée dans le cadre de ces maladies graves. Les soins complémentaires aux traitements médicaux répondent pourtant aux aspirations des malades qui manifestent le besoin d'un accompagnement plus holistique.

Lorsqu'on se retrouve confrontée au cancer du sein, « on se sent souvent perdue et désorientée face à l'annonce de la maladie et à l'enchaînement des protocoles. On n'a pas vraiment le temps de comprendre », témoigne Christelle Miltgen, infirmière et naturopathe. Elle connaît bien le sujet, pour avoir officié longtemps en service oncologie et avoir déclenché elle-même un cancer du sein en 2018, avant de se former à la naturopathie. « À l'époque, j'aurais aimé obtenir une écoute, du temps et des conseils d'hygiène de vie pour mieux gérer mon stress et mon alimentation. Mais les équipes soignantes étaient débordées dans leurs consultations ». De fait, l'Observatoire sociétal du cancer déplorait, dans son dernier rapport, que les patients aient encore trop peu d'informations et d'accès aux neuf soins de support officiels, pris en charge par la Sécurité sociale, notamment les aspects diététique, psychologique, sexualité, socioesthétique et activité physique. La naturopathie ne figure pas dans cette liste, et elle est d'ailleurs très peu proposée aux patients atteints de cancer dans les circuits conventionnels. Pourtant, quelques hôpitaux, comme la polyclinique de Saint-Jean-de-Luz, le centre hospitalier de Brive et l'Institut Rafaël à Paris mettent en avant cette approche dans leur parcours de soins. Des consultations de naturopathie sont proposées au sein de leurs services de cancérologie . Des structures d'accompagnement ont aussi fait le choix de dispenser des séances de naturopathie gratuites ou à coût réduit. Enfin, dans cette recherche d'un soutien plus holistique, bon nombre de patients consultent en direct des naturopathes.

Trois lieux au service des patients

Plusieurs maisons et associations dédiées aux patients proposent des soins de support gratuits ou à petits prix, incluant la naturopathie.

  • Le Centre Ressource de Lafrançaise (Tarn-et-Garonne), fondé par la naturopathe Astrid Romain, propose des séances sur la nutrition et l'hygiène de vie. Ce lieu offre aussi des ateliers individuels et collectifs en sophrologie, massage énergétique, méditation, ostéopathie, soutien psychologique… Site : Centre-ressource-lafrancaiseoccitanie.org
  • Le Centre Ressource de Reims (Marne). Pour une cotisation mensuelle de 30 €, vous aurez accès à différents types de soins, dont la naturopathie. Site : Centre-ressource-reims.org
  • L'association Étincelle de la Sambre à Maubeuge (Nord) est un lieu d'écoute et d'aide pour améliorer le bien-être des malades. Des séances de naturopathie et de réflexologie y sont notamment proposées gratuitement. Site : Etincellede lasambre.com

Le naturopathe, éducateur de santé

Ils sont d'ailleurs 40 % à recourir à des médecines complémentaires dont la naturopathie, selon l'Association francophone des soins oncologiques de support (Afsos). Un chiffre qui ne cesse de croître, constate Stéphanie Träger, médecin oncologue référente de l'Afsos, qui regrette toutefois « que ces patients aient peur d'en parler à leurs oncologues par crainte d'être jugés », prenant ainsi le risque d'interactions néfastes « s'ils prennent des plantes durant leur traitement ». La naturopathie serait-elle disqualifiée de fait face à ce type de maladie grave ? Christelle Miltgen pense au contraire que cette approche plus globale, « capable d'accompagner le rééquilibrage alimentaire, les changements d'hygiène de vie et de soulager les douleurs et la charge émotionnelle » a toute sa place en complément des traitements ­allopathiques ­délivrés par les médecins. En tant que naturopathe, elle peut ainsi aller plus loin que dans son rôle d'infirmière, à condition, dit-elle, de pratiquer cette discipline avec éthique et responsabilité, en respectant un cadre précis.

En effet, la profession de naturopathe a été mise à mal par certaines dérives, par exemple en proposant des jeûnes drastiques sans suivi médical à des malades du cancer, ou des cures « naturelles » pour remplacer des traitements prescrits par les oncologues. « Deux naturopathes m'ont fait ce genre de suggestions aberrantes », témoigne Émilie, en rémission d'un cancer du sein. De telles dérives amènent la profession à repréciser son rôle complémentaire aux protocoles de chimiothérapie ou autres traitement anticancer, si possible en accord avec les équipes soignantes. « Si une personne vient en consultation sans vouloir suivre le protocole de l'oncologue, je refuse de la suivre », renchérit la naturopathe Marine Le Gouvello. Sur la même ligne, sa consœur Hélène Comlan rappelle que le naturopathe n'est pas un médecin, mais avant tout « un éducateur de santé ».

Une veille nécessaire

Pour accompagner des maladies graves telles que le cancer, les naturopathes interviewées soulignent la nécessité de se tenir au courant des avancées dans ce domaine. Elles suivent de près les dernières études en la matière et s'appuient sur les publications sérieuses pour adapter leur stratégie thérapeutique. Par exemple, plusieurs centaines de travaux ont conclu à l'intérêt majeur de la mycothérapie pour soutenir le système immunitaire des personnes atteintes de cancer. Les praticiennes ont ainsi intégré reishi, shitaké ou maïtaké dans leurs préconisations. Elles connaissent leurs propriétés spécifiques et personnalisent le dosage pour renforcer l'organisme de manière efficace après les traitements.

Un soutien individualisé

Face au cancer du sein ou à d'autres types de cancer, que peuvent apporter concrètement les naturopathes ? Ils offrent un espace d'écoute avec une première consultation, d'une heure et demie en moyenne, pour accueillir la personne malade dans l'épreuve qu'elle traverse et définir avec elle un programme individualisé de soutien. « J'analyse comment la personne mange, dort, gère son activité physique et son émotion et on trouve un accord pour qu'elle se réajuste. Quand quelqu'un est accro au sucre, on ne lui dit pas de se priver tout d'un coup mais déjà d'arrêter les produits industriels bourrés de sucre », précise la naturopathe Laurence Guillon. Leur rôle consiste aussi à rendre les personnes actrices de leur guérison en les guidant selon leurs besoins au fil de leur parcours de soins. En phase de traitement, les naturopathes se concentrent sur la nécessité de renforcer l'organisme en conseillant une alimentation anti-inflammatoire à base de « légumes, oméga-3, peu de viande, peu ou pas de produits laitiers, pas de sucre et des jus de légumes à petites doses pour apporter des vitamines et minéraux sans entraver les traitements », précise la naturopathe Hélène Comlan, qui conseille aussi de fractionner les repas en cas de nausées.

Quant à préconiser des plantes pour soulager les organes émonctoires entre les chimios, ces expertes s'y risquent peu, conscientes des interactions possibles avec les traitements, surtout dans le cas du cancer du sein hormonodépendant. Elles regrettent d'ailleurs un manque de dialogue avec les équipes soignantes, qui répondent rarement à leurs sollicitations par manque de temps… ou par scepticisme. Quelques plantes sont tout de même reconnues comme bénéfiques : « Entre les séances, je recommande surtout du chardon-marie pour aider le foie car ses propriétés hépatoprotectrices, antinauséeuses et antidépressives sont intéressantes et il est démontré qu'il potentialise la chimio », souligne Laurence Guillon. Leurs connaissances en phytothérapie s'avèrent utiles également pour apaiser des effets secondaires loin d'être anodins pour les patients, comme les diarrhées, constipations et nausées (l'huile essentielle de citron ou de gingembre en olfaction, par exemple).

Lorsque les traitements s'arrêtent, que le suivi médical s'espace, la naturopathie peut s'avérer un accompagnement précieux. Des solutions sont préconisées pour assouplir la cicatrice postopératoire avec des huiles végétales adéquates de calendula et calophylle et soulager les douleurs articulaires liées à l'hormonothérapie ou aux rayons, avec de l'argile et de l'huile essentielle de lavande aspic. Quant aux problèmes de circulation lymphatique qui affectent les femmes suite à l'opération des ganglions, les naturopathes proposent des soins en complément de la kinésithérapie. Laurence Guillon s'est ainsi formée à la réflexologie plantaire, une technique de massage qui aide la lymphe à mieux circuler et à faire remonter l'immunité. De son côté, la naturopathe Marine Le Gouvello utilise la magnétothérapie (avec des aimants) afin de « réharmoniser le sang, la lymphe et la circulation sanguine », et de la relaxation pour que les femmes puissent « reprendre contact avec leur corps et donner du sens à ce qu'elles traversent ».

Une « colonne vertébrale »

Pour les organismes épuisés par les traitements, un bon naturopathe va établir une stratégie antifatigue adaptée en conseillant des nutriments et vitamines ciblés – tel le bourgeon d'argousier, très concentré en vitamine C et plus biodisponible que les produits classiques – en évaluant l'activité physique à pratiquer pour retrouver de l'énergie et en préconisant des plantes sédatives non contre-indiquées pour des nuits apaisées. « L'idée est de trouver ensemble les bonnes clés physiques, alimentaires et émotionnelles pour être autonome ensuite », précise Hélène Comlan. D'ailleurs, une consultation tous les deux-trois mois peut suffire pour être bien suivi. Ainsi, Catherine a eu besoin de seulement trois séances durant ses 18 mois de protocole de cancer du côlon. « J'ai eu beaucoup de conseils précis et concrets de ma naturopathe (Laurence Guillon, ndlr) qui m'ont fait un bien fou, notamment au niveau alimentaire. Une vraie colonne vertébrale qui m'a soutenue tout du long ». Elle a prévu de reprendre rendez-vous parce qu'elle veut, dit-elle, continuer à adopter une bonne hygiène de vie afin de prévenir la récidive. Les naturopathes savent en effet qu'il est essentiel notamment de s'occuper du système digestif, malmené par les protocoles, et de rétablir la flore intestinale. Apprendre à gérer le stress avec des techniques de respiration est primordial en matière de prévention.

La naturopathie ne manque pas de ressources pour apporter des bénéfices tangibles aux personnes atteintes de cancer. Reste à dépasser le scepticisme ambiant et à ouvrir un dialogue constructif, comme le plaide l'Association francophone des soins oncologiques de support, entre les médecins conventionnels et les naturopathes, dans l'intérêt supérieur du patient.

3 questions à Alain Toledano

L'Institut Rafaël, un centre de médecine intégrative gratuit dédié aux malades du cancer, a choisi d'inclure deux naturopathes dans son parcours de soins complémentaires. Ce programme innovant de « cancérologie intégrative » est porté depuis quatre ans par des médecins engagés, dont le radiothérapeute Alain Toledano.

P&S.Pourquoi avoir voulu intégrer des naturopathes à votre pôle de soins ?

A. T. Dans notre projet pilote, nous portons une médecine davantage centrée sur le patient que sur sa maladie. Dans cette optique, nous pensons que la naturopathie, axée sur l'alimentation saine, l'activité physique adaptée et l'équilibre de vie, peut améliorer les symptômes du cancer, en travaillant main dans la main avec les autres disciplines. Ici, nous évaluons scientifiquement les apports de cette discipline.

P&S. Quels résultats avez-vous déjà observés ?

A. T. Nous avons pris en charge gratuitement 500 patients lors de 1 600 consultations de naturopathie. Concernant les troubles du transit et les inconforts digestifs, qui fragilisent souvent les patients sous chimiothérapie, nous avons constaté leur diminution dans 50 à 70 % des cas. Nous voyons aussi une amélioration pour les troubles du sommeil et le stress.

P&S Cette pratique a donc sa place aux côtés de la médecine conventionnelle ?

A. T. Oui, je plaide pour une naturopathie qui intègre les parcours de santé ainsi que les projets de recherche afin de créer une réelle complémentarité des médecines. Nous avons besoin pour cela que cette pratique se fasse de manière rigoureuse, avec un niveau de formation exigeant.

Aller plus loin

L'oncologue Jean-Pierre Wagner organise avec son association Santé intégrative Côte d'Opale Flandre (SICOF) son 4e Colloque de cancérologie intégrative dans les Hauts-de-France. Au programme : des interventions de médecins, naturopathes, réflexologues pour explorer ensemble la thématique du parcours de soins intégratif en cancérologie. Une journée ouverte à tous les professionnels de santé.

Le 2 décembre 2023 à Ghyvelde (59) Facebook.com/cancerologieintegrative

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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