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La chondrille, un pissenlit méridional

La chondrille, un pissenlit méridional

Nombre de salades sauvages peuvent se récolter dans la nature, et elles sont souvent bien difficiles à distinguer les unes des autres. La chondrille à tige de jonc est de celles-là. Et ses qualités méritent qu'on la recherche !

La chondrille est longtemps restée pour moi une plante mythique, une de ces salades du Midi que récoltaient jadis les anciens en Provence et en Languedoc. J’en avais lu la description et appris les usages dans le merveilleux ouvrage de Désiré Bois, Les Plantes alimentaires chez tous les peuples et à travers les âges, que je dévorais à la bibliothèque du Muséum national d’histoire naturelle, à Paris. Il s’agissait d’un végétal en rosette, apparemment semblable au pissenlit, qui poussait dans la garrigue et au bord des chemins du sud de la France. Elle y était très appréciée pour sa saveur douce et sa texture croquante et l’on en ramassait alors de grandes quantités. Elle ne pouvait être récoltée qu’au cours du printemps méditerranéen, voire de la fin de l’hiver, car dès que la plante montait, elle s’avérait inutilisable. L’un des signes distinctifs infaillibles pour la reconnaître était la présence de nombreux poils roses à la base de la jeune tige en cours de développement.

Ce n’est que bien plus tard que j’eus l’occasion de me mettre « en chasse »… Comme j’avais souvent l’occasion de me rendre dans les Alpes-de-Haute-Provence, je me mis à battre la campagne à la recherche de la chondrille à tige de jonc. Mais s’y retrouver parmi les différentes rosettes des « salades sauvages » requiert une expérience que je ne possédais pas à l’époque. En fait, elles ressemblaient toutes plus ou moins au pissenlit : il me fallut observer sans relâche, comparer, toucher, goûter pour déceler les subtilités qui marquent chaque espèce.

Herbier

La chondrille à tige de jonc (Chondrilla juncea) est une plante bisannuelle de 40 cm à 1 mètre de hauteur. Sa tige dressée, très rigide, est presque dépourvue de feuilles, mais porte de nombreux rameaux effilés, raides et étalés. Elle est glabre, sauf à la base, où elle est couverte de poils raides de couleur...

rosée formant un manchon caractéristique. Les feuilles inférieures dessinent au printemps une rosette à la base de la plante, puis disparaissent à la floraison. Elles sont allongées, avec une marge sinuée ou bordée de lobes aigus dirigés vers le bas. Les quelques feuilles supérieures sont entières. Les rameaux portent sur leur longueur et à leur extrémité de petits capitules solitaires ou regroupés par deux à trois en fascicules espacés. Les fleurs, jaune vif, sont ligulées et réunies dans les capitules, qu’entoure un involucre de folioles linéaires. Elles sont présentes de juillet à septembre. Les fruits sont des akènes.

Cueillette sauvage

  • Feuilles en rosette : mars, avril
  • Tiges : mai

La chondrille, donc, se remarque à sa pilosité caractéristique. Je finis par en découvrir, à proximité de Manosque, de belles rosettes de feuilles, amplement étalées sur le sol rocailleux, plus ou moins fortement découpées selon les individus, au milieu desquelles jaillissait, encore très courte, une tige dressée, hérissée vers la base de soies roses, alors douces au toucher. Je récoltai quelques poignées de feuilles et m’en fis une savoureuse salade : la chondrille se montrait parfaitement à la hauteur de sa réputation !

Depuis ce jour, je la rencontrai fréquemment. Ce n’était pas la première fois que ce phénomène m’arrivait, qu’apparaisse partout à mes yeux une plante que j’avais longtemps cherchée sans la trouver, comme si j’avais soudain acquis une nouvelle vision… Je pus dès lors l’observer à tous les stades de croissance, depuis la rosette nue en fin d’hiver à ses capitules de fleurs au mois de juin, puis aux boules duveteuses de ses fruits pendant l’été – ces deux derniers identiques, en plus petits, à ceux des pissenlits, mais portés par de fins rameaux.

La floraison en étéUn beau jour du mois de mai, alors que j’emmenais sur le terrain un cuisinier étoilé haut provençal de mes amis, je tombai sur un champ sauvage de chondrille. Mais la saison était déjà trop avancée pour que nous puissions en récolter les rosettes, qui avaient commencé à jaunir. Cependant, les tiges, ces tiges de jonc bien droites, vertes et cylindriques qui valent à cette espèce de chondrille – car il en existe d’autres – son épithète, se terminaient en une pointe effilée, à peine feuillée, très souple au toucher. J’en cueillis une et la goûtai. Tendre à souhait, elle était aussi très douce au goût, malgré la présence d’un abondant latex. Je la fis tester à Jany, chef de la Bonne Étape à Château-Arnoux, qui se délecta et souligna l’agréable croquant de ces pousses. Elles entrèrent dans la composition du repas à base de notre cueillette que nous préparâmes ce jour-là, en tant que mini-asperges crues, trempées dans diverses sauces plus ou moins relevées. Nous avions découvert là un nouveau légume inédit, absolument spontané et tout à fait délicieux : une réussite ! Je rééditai l’opération par la suite, parfois en faisant légèrement blanchir les pousses à l’eau bouillantes, et toujours avec le même succès.

Parfois nommée « chicorée à la bûche » du fait de sa forte tige, la chondrille est une cousine du pissenlit qu’évoquent nettement ses feuilles en rosette découpées en segments aigus. Dans le Midi de la France, où c’est l’une des salades les plus connues, les paysans la nommaient en occitan, selon les régions, cantolame ou sautavolame, c’est-à-dire respectivement « chante-lame » ou « saute-lame », car les tiges dures gênaient la bonne marche de la fenaison, qui se faisait bien sûr à la faux.

Recette sauvage

Ingrédients Plusieurs belles rosettes de chondrille • 1 cuillerée à soupe de purée de sésame • 1 cuillerée à soupe d’eau • 1 jus de citron • 6 cuillerées à soupe d’huile de sésame • Sel.

  1. Nettoyer et laver soigneusement la chondrille. L’essorer et la mettre dans un saladier.
  2. Délayer la purée de sésame avec l’eau, puis ajouter le jus de citron et le sel.
  3. Verser doucement l’huile en un mince filet, en battant comme pour monter une mayonnaise. Saler.
  4. Si la sauce a du mal à prendre, vous pourrez lui donner la bonne consistance en y ajoutant très peu d’eau tiède ou de jus de citron et en battant de nouveau.
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