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Chénopode hybride, reconnaître ses bonnes feuilles

Chénopode hybride

Il n'est pas très joli, ne sent pas bon et peut être confondu avec le datura toxique. Toutefois, quand on sait le reconnaître, il y a de bonnes raisons de consommer le chénopode hybride. Il est courant, comestible et possède même une saveur très agréable s'il est convenablement préparé.

Tous les ans, au cours des survies que j'organise depuis quarante ans dans les Alpes-de-Haute-Provence, nous traversons le village abandonné du Poil. Abandonné ? Pas tout à fait : quelques personnes y passent l'été en cultivant un micro-jardin. Et à chacun de nos passages, nous désherbons… Puisque les « mauvaises herbes » semblent empoisonner la vie de la plupart des gens, nous nous faisons un plaisir de les en débarrasser pour préparer notre soupe du soir – non sans les sélectionner, bien sûr, car toutes ne sont pas forcément recommandables. C'est le cas ici : de façon systématique, j'y rencontre chaque année deux amies végétales très semblables qui se côtoient et, aux yeux de certains, se confondent… dangereusement !

Le 2 juin 2011, trois personnes vivant à Rougon, commune située au cœur des gorges du Verdon, donc non loin du Poil, durent être hospitalisées en urgence à Marseille, car elles souffraient d'un malaise général avec de graves difficultés respiratoires et des angoisses accompagnées d'hallucinations inquiétantes. Le lendemain, deux d'entre elles se trouvaient encore dans le coma. Au vu des symptômes, les soupçons se portèrent sur une intoxication au datura, ce que confirmèrent les examens et analyses pratiqués en milieu hospitalier. Ils avaient probablement consommé en salade les feuilles de cette solanacée toxique par confusion avec celles du chénopode hybride, qui leur ressemblent à s'y méprendre.

Cueillette

• Feuilles : juillet à septembre

Lorsqu'on parle de « chénopode », tout le monde pense au chénopode blanc (Chenopodium album), une adventice extrêmement commune qui colonise en abondance les terres remuées des jardins et des champs. Cet excellent légume ­sauvage est facile à identifier avec ses feuilles charnues et palmées comme des pattes d'oie (d'où son nom, du grec khên, « oie », et podion, « patte »). Ses toutes jeunes pousses permettent de préparer de très bonnes salades et ses feuilles plus âgées se font cuire de mille manières, à la façon de celles des épinards, leurs proches cousins. Mais il existe, en fait, une multitude de chénopodes divers et variés, a priori tous comestibles.

La famille des chénopodiacées fut créée par Étienne Pierre Ventenat (1757-1808) et inscrite dans son « Tableau du règne végétal selon la méthode de Jussieu » en 1798. Près de deux siècles plus tard, une étude approfondie de ces plantes montra...

qu'elles devaient être réunies à la famille des amaranthacées. Puis l'analyse phylogénétique moléculaire appliquée aux chénopodes bouleversa la compréhension de ce groupe. Les différents organismes vivants individuels sont regroupés en espèces, elles-mêmes réunies en genres qui forment les familles. Et en juin 2012, des botanistes proposèrent de retirer plusieurs espèces du genre Chenopodium et de les classer dans plusieurs nouveaux genres. Notre chénopode hybride devint alors un Chenopodiastrum, proche du chénopode (C. murale), extrêmement fréquent dans les décombres.

Herbier

Le chénopode hybride (Chenopodiastrum hybridum) est une plante annuelle de 30 à 80 cm, dégageant au froissement une odeur désagréable. Sa tige dressée, cannelée, simple ou rameuse porte de larges feuilles vertes longuement pétiolées, ovales-triangulaires, tronquées en cœur à la base, terminées en une longue pointe lancéolée, bordées de chaque côté de 2 à 4 grosses dents triangulaires aiguës. Elles sont minces, vertes sur les deux faces et luisantes. Les minuscules fleurs vertes sont réunies en glomérules verdâtres, eux-mêmes disposés en panicules terminales non feuillées, à rameaux étalés. On peut les observer de juillet à septembre. Les fruits renferment des graines grises de 2 mm. Cette plante rudérale est commune dans les terres remuées de presque toute la France, la Suisse et la Belgique.

Les différents chénopodes possèdent une relative toxicité due à leur teneur en oxalates, qui doit inciter à ne pas les faire entrer trop fréquemment dans notre alimentation. Mais on les consomme habituellement sans problème. En revanche, les daturas peuvent se montrer mortels. Ils renferment des alcaloïdes tropaniques (hyoscyamine, scopolamine et atropine) doués de propriétés ­hallucinogènes et sont parfois utilisés dans le but de profiter de ces dernières, quoique les accidents ne soient pas rares. L'ingestion de la plante provoque des troubles digestifs, cardiaques, respiratoires et visuels accompagnés de délire et de visions. L'issue est souvent fatale.

L'espèce la plus courante, la stramoine (Datura stramonium) est une grande plante herbacée très répandue dans les terres remuées, les jardins et sur les bords des chemins. Elle est facile à reconnaître à l'état adulte avec ses grandes fleurs en trompettes blanches et ses fruits épineux. Mais lorsqu'elle est jeune, avant la floraison, il est plus délicat de l'identifier. Ses grandes feuilles molles, largement dentées, dégagent au froissement une odeur fétide qui ressemble à celle du chénopode hybride. Leur forme, leur découpe, leur couleur sont très proches aussi : de larges feuilles d'un vert sombre bordées de grandes dents. Franchement, elles se ressemblent tellement qu'il me paraît judicieux d'attendre la floraison – de juillet à septembre – pour cueillir en toute sécurité le chénopode hybride : alors aucun doute n'est plus possible entre les petites fleurs verdâtres de ce dernier, en glomérules réunis en grappes composées, et les vastes corolles évasées, d'un blanc pur, de la belle vénéneuse. La prudence est une vertu durable ! Grâce à elle, vous pourrez déguster notre étrange chénopode en salades, en quiches ou en ravioles aux chanterelles…

Recette sauvage :  Raviolis farcis au chénopode 

Ingrédients :

Pour la pâte à raviolis 300 g de farine :

  • 3 oeufs 

  • 1 c. à soupe d’huile d’olive 

  • Sel. 

Pour la farce : 

  • 2 c. à soupe d’huile d’olive 

  • 1 oignon 

  • 2 gousses d’ail 

  • 200 g de chanterelles 

  • 300 g de feuilles de chénopode hybride 

  • 75 g de ricotta 

  • 40 g de parmesan râpé 

  • Sel.

Préparation :

  1. Préparer la pâte à raviolis en mélangeant la farine, les oeufs, l’huile d’olive et le sel. Laisser reposer pendant 30 minutes.

  2. Faire revenir à l’huile d’olive l’oignon haché et l’ail émincé.

  3. Ajouter les chanterelles et les faire cuire quelques minutes.

  4. Ajouter les feuilles de chénopode hybride hachées, saler et laisser fondre.

  5. Dans un bol, mélanger la farce aux champignons avec la ricotta et le parmesan râpé.

  6. Diviser la pâte à raviolis en deux morceaux. Avec un rouleau à pâtisserie, étaler chaque morceau en une fine feuille de pâte.

  7. Déposer des cuillerées de farce sur une des feuilles de pâte. Couvrir avec la deuxième feuille et appuyer autour de chaque monticule de farce pour sceller les raviolis. Découper à l’emporte-pièce.

  8. Faire cuire les raviolis dans une grande casserole d’eau bouillante salée jusqu’à ce qu’ils flottent à la surface. Égoutter délicatement.

  9. Faire revenir doucement 2 minutes dans un peu de beurre, de bouillon de légumes et de jus de citron.

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