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Dans les coulisses des vitamines végétales

Vitamines végétales
Vitamines végétales

Vitamine C issue de l'acérola, vitamine D3 extraite du lichen… De plus en plus de vitamines sont présentées comme étant d'origine végétale mais, qu'en est-il vraiment ? D'ailleurs, une vitamine naturelle est-elle plus intéressante pour la santé ? Et quels sont les différents procédés de fabrication ? Entre greenswashing de certaines marques et fabricants plus ou moins bien intentionnés, enquête sur les limites du tout naturel.

Nous savons depuis longtemps que ce sont les vitamines et les minéraux issus de l’alimentation qui « fonctionnent » le mieux dans notre organisme, mais comme personne n’a de régime alimentaire parfait, le complément s’impose parfois. Afin de se rapprocher de cette forme idéale de vitamines issues de l’alimentation, consommateurs avertis et fabricants recherchent des vitamines plus naturelles qui visent à reproduire au mieux cet assemblage complexe. Si aujourd’hui encore 95 % des vitamines commercialisées seraient synthétiques, les laboratoires de compléments alimentaires le confirment volontiers, c’est une vraie ­tendance et « les consommateurs sont très friands de naturalité ». Arkopharma a ainsi lancé une gamme de vitamines affichant 100 % d’origine végétale. Santarome Bio propose un complexe de multivitamines vantant leur qualité à la fois naturelles et bio issues de 14 plantes (Moringa, carotte, Roucou).

Mais l’expression de ­vitamine naturelle peut être trompeuse, car ce n’est pas parce qu’il est inscrit « naturel » sur l’étiquette que la vitamine en question l’est complètement. En effet, la vitamine naturelle ne fait pas encore l’objet de règles claires et homogènes. ­Généralement, elle désigne un composant ­provenant directement de la terre, de la mer ou de ce qui y vit, qu’il soit végétal ou animal. Parmi les vitamines naturelles, il y a deux types à ­distinguer : la vitamine naturelle isolée (extraite d’un fruit, d’un légume, d’une graine germée, d’un champignon, d’une plante ou d’un produit animal) et la vitamine naturelle complète, c’est-à-dire la vitamine ainsi que les nutriments naturellement ­présents dans le végétal ou ­l’animal source.

Pas tous égaux face au synthétique

Certaines personnes ont des caractéristiques génétiques qui les empêchent d’assimiler des vitamines sous leur forme synthétique. Une mutation du gène MTHFR (concernant près du tiers de la population européenne) empêche de métaboliser la B9 synthétique. Celle-ci ne fait alors pas effet et s’accumule dans l’organisme avec de possibles conséquences délétères sur le système immunitaire. Ces personnes doivent opter pour une B9 naturelle sous forme « méthyl » (5-MTHF ou Quatrafolic sur l’étiquette). Pour d’autres, un trouble de déficience enzymatique, freine voire empêche de métaboliser la B12 de synthèse (cyanocobalamine) qui devra alors être prise sous forme naturelle (methylcobalamine).

Attention aux produits dits naturels qui sont en réalité de synthèse

Par ailleurs, d’après la réglementation ­européenne, le terme naturel ne peut être ­utilisé que si le végétal qui compose le ­complément contient « naturellement » la vitamine en question. Ainsi, une vitamine « naturelle » ne peut qu’être une vitamine naturelle isolée ou complète. Mais certains fabricants peu scrupuleux jouent avec les mots et apposent les mentions « végétal », « naturel » ou « à base d’extraits naturels » sur des produits qui sont en réalité des vitamines de synthèse, auxquelles sont ajoutées des « poudres naturelles » de fruits ou encore de légumes.

Attention donc en regardant les ­informations sur l’étiquette à ne pas confondre ces compléments avec de véritables vitamines « 100 % naturelles » que vous reconnaîtrez par la mention globale « vitamine d’origine naturelle », ­­ « vitamine 100 % naturelle » ou encore « 100 % ­d’origine ­végétale ». Comme l’explique Ghislaine ­Gerber, formulatrice de synergies à base de plantes et nutriments d’origine naturelle, ­créatrice du laboratoire Holistica et coauteure de plusieurs publications scientifiques : « Pour savoir si une vitamine est naturelle, fiez-vous à votre bon sens. Une source végétale ou naturelle sera précisée (pollen, algue X, champignon Y) plutôt qu’aux terminologies du type “bio dynamisé” ou “bio identique”, sources de confusion. »

Décryptez les étiquettes

La mention vitamine sans la formule « 100 % d’origine naturelle ou naturelle végétale » induit qu’elle est synthétique. Voici quelques indices pour mieux comprendre le produit que vous achetez :

  • Le préfixe « dl- » signale un ingrédient synthétique, « d- » indique une forme naturelle.
  • Un ingrédient se terminant en « ic », « ate » ou « acid » signale généralement un produit synthétique ou une vitamine naturelle, mais isolée. Par exemple : ascorbic acid pour la vitamine C, acetate ou palmitate pour la vitamine A, dl-alpha tocopherol acetate ou succinate pour la vitamine E.
  • La présence de sels (gluconate, acétate, chlorhydrate, bitartrate, chlorure, nitrate) indique une vitamine synthétique.
  • Une vitamine couvrant un pourcentage très élevé d’apports quotidiens (du type 1 000 %) est très certainement synthétique. De même, quand il s’agit de source naturelle, la vitamine ne dépassera jamais un certain taux. Par exemple, l’acérola contient entre 15 et 25 % de vitamine C. S’il y en a davantage c’est que de l’acide ascorbique a été ajouté.

Le délicat sujet de la biodisponibilité, et donc l’efficacité

Le choix du naturel se fait aussi par rapport à un critère crucial, celui de la biodisponibilité de la vitamine. Cette notion indique la quantité de vitamine qui atteint la circulation sanguine comparée à la quantité ingérée. En effet, même les vitamines contenues naturellement dans les fruits et les légumes se dégradent durant l’ingestion et la digestion avant de bénéficier à notre organisme. Il en va de même pour les vitamines des compléments alimentaires. La biodisponibilité indique donc en quelque sorte l’efficacité d’une vitamine.

Ainsi, la vitamine E naturelle (d-alpha-tocophérol) issue du soja, des graines de tournesol ou du fruit du palmier à huile, a clairement montré une biodisponibilité de 100 % contre 50 % pour sa version de synthèse (dl-alpha-­tocophérol), mais pour les autres vitamines les études se contredisent parfois et le manque de standard scientifique global permet ­difficilement d’y voir clair. Toutefois, selon de nombreux spécialistes, la forme naturelle d’une vitamine est toujours meilleure, car les nutriments naturellement présents qui l’accompagnent participent à son assimilation, donc à sa biodisponibilité. Le chercheur serbe Goran Nikolic utilise à ce propos une analogie frappante. Dans un de ses articles sur les « idées fausses à propos des compléments alimentaires », ce professeur en ingénierie pharmaceutique, spécialiste dans l’assemblage de molécules, et auteur de plus de 300 articles, explique qu’une vitamine naturelle complète formerait un véhicule fonctionnel alors que les vitamines isolées (naturelles ou de synthèse) seraient comme des « pièces que l’on amoncellerait en s’attendant à ce que ce tas de ferraille se conduise comme une voiture. »

Pour Édouard Fornas, fondateur de la jeune entreprise aixoise de compléments ­alimentaires Nutri & Co, ce raisonnement atteint parfois sa limite et « naturel ne veut pas forcément dire mieux ». Il prend pour exemple la vitamine B12, issue de la spiruline qui ne « se trouve pas nécessairement sous une forme ­assimilable » et rappelle que, son « objectif n° 1 » restant « l’efficacité », il privilégie donc d’abord la forme bio-identique (qui a la même ­structure que la vitamine naturelle, mais qui peut être ­synthétique) plutôt que la « naturalité » à tout prix. D’autres aspects concernant la fabrication, l’extraction (qui nécessite l’emploi de solvants) et la formulation du complément (excipients, adjuvants) questionnent. Ces procédés contribuent non seulement à la qualité de la vitamine finale, mais ils posent parfois des dilemmes écologiques ou de santé. D’après les spécialistes, on peut considérer qu’une fabrication par pression ou extraction à l’eau ou à l’alcool d’un jus de fruit naturellement riche en vitamine C comme l’airelle ou l’acérola est un procédé naturel. Mais certains procédés d’extraction pour obtenir un extrait titré en bio sont parfois incohérents. Comme le rappelle Édouard ­Fornas : « Il y a un nombre d’étapes tellement important qu’on ne peut pas vraiment appeler ça “doux” ou “naturel” ». Sur le plan écologique, l’exemple de la vitamine C issue de l’acérola qui vient de l’autre bout de la planète où certaines filières ont longtemps été peu respectueuses de l’environnement, questionne également.

Du naturel oui, mais pas n’importe comment

Mais la marge de manœuvre des laboratoires est parfois étroite. Yazan El Safadi, responsable scientifique chez Nutri & Co explique ainsi qu’il doit sans cesse jongler entre efficacité et impératifs écologiques et qu’il attend impatiemment la validation de procédés novateurs. Par exemple, l’extraction de vitamines produites par les algues permettrait d’éviter d’aller puiser dans des ressources rares comme le lichen boréal utilisé pour extraire de la vitamine D3 et qui est une espèce menacée. Il déplore aussi que « les consommateurs envoient des signaux totalement contradictoires et demandent, par exemple, du magnésium marin au prétexte qu’il est naturel alors que la même molécule peut être extraite d’une carrière et n’en sera pas moins naturelle et parfois même ­meilleure en termes de biodisponibilité ».

Si « naturel » ne rime pas systématiquement avec « éthique » ou « écologique », côté santé la balance semble clairement pencher en faveur des vitamines végétales naturelles. Globalement plus biodisponibles, sous leur forme complète, leur formulation évite également la plupart des composants toxiques. Ces nouveaux produits obligent toutefois à jongler entre efficacité et ­préservation des ­ressources naturelles. Espérons qu’à l’avenir se ­développe un marché où le naturel n’aille pas sans l’éthique.

De la nature au comprimé, quel procédé ?

  • Vitamine D3, issue du lichen

Hybride d’algue et de champignon, le lichen boréal (Cladina arbuscula) s’épanouit en tapis continu dans les régions nordiques peu ensoleillées. Récolté à l’état sauvage en Amérique du Nord, en Asie ou en Scandinavie, il est lavé, puis la D3 est extraite grâce à des procédés faisant appel à de l’eau, de l’alcool ou des solvants. Un extrait purifié est mélangé à une huile végétale pour faire le produit fini.

  • Vitamine B, issue de la spiruline

Formée de filaments verts d’un dixième de millimètre, la spiruline (Arthrospira platensis) est un micro-organisme de type cyanobactérie. Après culture, la spiruline est séchée, puis congelée. La vitamine est extraite dans le noir à l’eau chaude par alcool ou solvant et réduite sous forme de poudre.

  • Vitamine C, issue de l’acérola

Après cueillette, parfois sauvage, les petites baies de l’acérola (Malpighia emarginata), un arbre d’Amérique du Sud, sont broyées, filtrées, puis mélangées avec de l’eau. Le liquide obtenu est réduit en poudre à la suite d’une lente évaporation et à l’ajout de de sucre.

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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