Plantes et Santé Le magazine de la santé par les plantes

Cueillir et déguster le vrai sapin

Les vertus comestibles du sapin blanc
Les vertus comestibles du sapin blanc

Chacun connaît son nom, mais tout le monde n'est peut-être pas capable de distinguer précisément ce géant de nos forêts de son sosie plus courant, car il y a sapin et sapin… Et rares sont les personnes qui en ont découvert les vertus comestibles. Le sapin blanc, bel arbre commun, garde une part de mystère.

Les sombres forêts de sapins formaient le fond des paysages de nos vacances dans le Beaufortain. Et lorsque j’y retourne, je les observe, fidèles au poste, non sans un certain attendrissement. Ces arbres majestueux sont toujours là, soixante ans plus tard. Sans doute ont-ils grandi, même si d’autres ont été coupés pour alimenter les scieries locales – ou chinoises…

Je sais maintenant que la plupart de ces sapins sont en fait des épicéas (Picea abies). La confusion est habituelle, accentuée par l’appellation populaire de ces derniers que l’on nomme fréquemment « sapins rouges » – d’ailleurs, nos « sapins de Noël » furent longtemps des épicéas. Le véritable sapin est, lui, le « sapin blanc ». C’est vrai : j’avais observé depuis mon enfance que le revers des aiguilles de sapin était parcouru de deux bandes blanches caractéristiques, contrairement à celles de l’épicéa qui en étaient dépourvues. Il s’agit de rangées de stomates – le terme vient de stoma, « bouche » en grec –, de petites ouvertures qui permettent de faire communiquer l’intérieur des feuilles avec l’air extérieur, de façon que la plante puisse absorber le gaz carbonique nécessaire à la photosynthèse et excréter l’oxygène qu’elle produit. Les feuilles de sapin sont disposées dans un plan, comme les dents d’un peigne, d’où son surnom de « sapin pectiné », et elles sont aplaties et arrondies, alors que celles de l’épicéa entourent le rameau et roulent entre les doigts qu’elles piquent par leur sommet aigu. Mais en fait, la couleur évoquée dans le nom de nos deux conifères est liée à la couleur de leur tronc : l’écorce de l’épicéa, nettement écailleuse, est d’un brun rougeâtre tandis que celle du sapin est d’un gris clair – certes loin de la blancheur du bouleau, mais bien repérable dans l’ombre des forêts.

cueillette

• Résine : toute l’année • Jeunes pousses : mars et avril

Dans sa jeunesse, le tronc élancé du sapin blanc possède une écorce lisse parsemée de verrues bombées emplies d’un liquide clair, très odorant et vite poisseux en séchant. Il s’agit d’une oléorésine, mélange d’essence aromatique et de résine, aux vertus antiseptiques et expectorantes. On la récoltait jadis en abondance pour préparer des emplâtres et des onguents médicinaux. Personnellement, je me contente le plus souvent de les crever à l’aide d’un bâtonnet que je suce ensuite comme un bonbon pour le plaisir – en me disant que je me fais...

peut-être ainsi du bien… Et si je réussis à en récupérer en suffisance, je m’en sers pour parfumer des plats : une sauce, des légumes, voire une salade de fruits, qui m’emportent alors dans la forêt…

Je ne dédaigne pas non plus les toutes jeunes pousses, d’un vert très clair qui tranche sur le reste du feuillage sombre. Elles sont très tendres et je les mâchonne au passage pour leur agréable saveur, très nette, d’orange – alors que l’épicéa, lui, évoque sans doute aucun le citron : on remarque que ces conifères renferment les mêmes essences aromatiques, riches en terpènes tel le limonène, que les agrumes, originaires de l’Asie du Sud-Est. Il s’agit d’une curieuse convergence chimique, finalement pas si rare dans la nature. En outre, il est curieux de constater que les feuilles du sapin et de l’épicéa, tout comme ces fruits tropicaux, sont riches en vitamine C.

herbier

Le sapin blanc (Abies alba) peut atteindre 60 m de hauteur, ce qui en fait l’arbre européen le plus élevé, avec un tronc pouvant mesurer 2 m de diamètre et un âge allant jusqu’à 600 ans. Son écorce d’un gris clair est lisse à l’état jeune, avec des vésicules résineuses, puis elle se crevasse. La cime, d’abord conique, devient ovoïde et enfin étalée. Les branches sont typiquement horizontales et les jeunes rameaux densément velus. Les feuilles sont des aiguilles planes à face inférieure marquée de 2 lignes blanches, disposées sur 2 rangs opposés. C’est une plante monoïque, portant des fleurs mâles et femelles sur le même pied. Les chatons mâles sont jaunes et dirigés vers le bas ; les fleurs femelles, dressées, sont rougeâtres, puis vertes. Situées surtout vers le haut de l’arbre, elles donnent des cônes de 8 à 15 cm, dressés, qui se désagrègent à maturité. Les graines de forme triangulaire sont munies d’une aile. Le sapin blanc pousse spontanément dans le sud, l’ouest et le centre de l’Europe, où il forme avec le hêtre (Fagus sylvatica) le fond des forêts à l’étage montagnard. Il constitue parfois des sapinières sur les ubacs. Il a été largement introduit en Europe du Nord-Ouest pour la sylviculture. Le genre compte 5 espèces en Europe. Notre sapin de Noël actuel, Abies nordmanniana, est originaire des bords sud et est de la mer Noire. De nombreuses espèces existent en Asie et en Amérique.

Les pousses de sapin possèdent souvent une légère amertume qui peut en limiter l’usage. D’ailleurs les « liqueurs de sapin », les sirops expectorants ou les bonbons aux « bourgeons de sapin » sont habituellement élaborés avec les pousses d’épicéa, particulièrement ­abondantes et plaisantes au goût. Quant au miel de sapin, il est issu du miellat excrété par les pucerons suçant la sève des arbres sous forme de gouttelettes sucrées que récoltent les abeilles. S’il provient des Vosges, il est possible qu’il s’agisse véritablement du sapin blanc, car il y est commun. Mais dans nombre de nos régions, le sapin qui poussait à l’état spontané, généralement en mélange avec le hêtre, a été remplacé par de vastes plantations d’épicéas, natifs plus haut dans nos montagnes – à l’étage subalpin –, voire par le douglas (Pseudotsuga menziesii), introduit de la côte ouest de l’Amérique du Nord.

Une mise en garde s’impose : il ne faut surtout pas confondre l’if (Taxus baccata) avec le sapin. Pour éviter cette confusion facile, il convient de tenir compte de quelques critères précis que l’on doit avoir présents à l’esprit. L’écorce de l’if, bien différente de celle du sapin, forme de longues lanières rougeâtres. Les feuilles des deux espèces sont plates et disposées dans un plan, mais celles de l’if sont aiguës, tandis qu’elles sont arrondies chez le sapin ; les aiguilles de ce dernier sont parcourues de deux fines bandes blanches sur leur face inférieure, alors que celles de l’if sont vert clair en dessous. Enfin, contrairement au sapin qui porte des cônes dressés, l’if produit, sur les pieds femelles, des graines entourées d’une structure charnue nommée « arille ». De couleur rouge pâle, de texture gluante et de saveur sucrée, ces arilles sont parfaitement inoffensifs et bons à déguster tels quels. En revanche, toutes les parties vertes de l’if, y compris les graines, sont mortelles du fait des alcaloïdes qu’elles contiennent. Donc… ouvrez l’œil !

Recette sauvage : Carpaccio de Saint-Jacques au parfum de sapin blanc

Ingrédients 200 g de noix de Saint-Jacques très fraîches • 1 poignée de jeunes pousses de sapin blanc • 2 cuillerées à soupe d’huile d’olive • 1 jus de citron • 1 cuillerée à café de miel • Sel.

  1. Rincer les noix de Saint-Jacques sous l’eau froide, puis les sécher avec du papier absorbant. Les couper transversalement en tranches de 2 à 3 mm.
  2. Hacher finement les pousses de sapin. Dans un récipient étroit et profond, mélanger l’huile d’olive, le jus de citron, le miel, le sel et le sapin haché, puis mixer longuement. Filtrer.
  3. Placer les noix de Saint-Jacques dans un plat peu profond et les recouvrir de la marinade. Mettre au réfrigérateur pendant au moins 30 minutes.
  4. Disposer les noix de Saint-Jacques marinées sur les assiettes et verser un peu de la marinade restante sur chaque noix.
  5. Vous pouvez parsemer chaque assiette de quelques tendres aiguilles de sapin supplémentaires pour une touche de fraîcheur forestière.
  6. Servir immédiatement et déguster cet étonnant mélange de la mer et de la montagne aux touches d’agrumes très exotiques. Le sucré du miel adoucit la légère amertume des pousses de sapin, qui dynamise l’ensemble. Délicieux !
Cet article est reservé aux abonnés.
Pour lire les 78% restants de cet article,
En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
Vous appréciez nos articles, allez plus loin en vous abonnant au magazine en cliquant ici
Inscrivez-vous gratuitement à la newsletter Plantes & Santé
Recevez chaque semaine nos conseils de bien-être par les plantes, astuces et recettes à faire vous même pour retrouver Equilibre et Santé
Votre inscription a bien été prise en compte 
Politique de confidentialité