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Quand l'herboristerie part en mission humanitaire

La clinique mobile et les bénévoles de l’association Mobile Herbal Clinic
La clinique mobile et les bénévoles de l’association Mobile Herbal Clinic

Mettre la phytothérapie au service de l'action humanitaire, l'initiative peut surprendre… Et pourtant, depuis 2019, Mobile Herbal Clinic, une association anglaise d'herboristes, se déplace en clinique mobile, une semaine par mois, dans les camps de migrants de Calais et Dunkerque. Les soignants bénévoles de cette ONG utilisent des préparations à base de plantes pour traiter les pathologies aiguës dont peuvent souffrir ces populations vulnérables.

Les camps de Calais et Dunkerque voient passer chaque année des milliers de migrants, en transit durant quelques jours ou semaines, dans l'attente d'une périlleuse traversée vers l'Angleterre. Ce sont pour la plupart des jeunes hommes, âgés de 16 à 30 ans, mais il y a aussi des femmes et des enfants. Ils ont parcouru des milliers de kilomètres, depuis le Pakistan, l'Iran, l'Érythrée, le Soudan et tant d'autres terres natales. Tous arrivent épuisés, dans une situation sanitaire préoccupante, susceptible de s'aggraver dans ces camps de fortune. « Ils vivent dans des conditions humides, froides et insalubres où des problèmes mineurs – ampoules ou piqûres – peuvent s'infecter, ils souffrent aussi de toux et de grippes, ainsi que de contusions et entorses dues à des chutes hors des camions ou à cause de coups portés par la police », explique l'ONG Mobile Herbal Clinic (MHC).

Cette association britannique d'herboristes, très sensible aux problématiques de justice sociale et de santé, a décidé de se mobiliser sur place pour soigner ces personnes vulnérables grâce à la phytothérapie. « Cette médecine est complémentaire des soins conventionnels proposés par d'autres ONG humanitaires, car la phytothérapie ne se contente pas de traiter les symptômes mais s'attaque aussi aux déséquilibres qui contribuent à la maladie, comme ce sirop antitussif à base de plantes, aux propriétés également antimicrobiennes et stimulantes immunitaires », précise Paine Höhne, du comité directeur de Mobile Herbal Clinic. Il reconnaît qu'il a fallu de la pédagogie pour convaincre, au départ, les autres ONG du professionnalisme de leur démarche. Mais à présent, « la confiance est instaurée et nous nous adressons mutuellement des patients selon les pathologies ». Par exemple, MHC distribue des sprays naturels antidémangeaisons contre la gale et oriente les patients vers les associations qui donnent des médicaments chimiques antiparasitaires.

Conjuguer humanitaire et médecine naturelle

Ainsi, chaque première semaine du mois depuis 2019, quatre soignants bénévoles de MHC viennent à Calais et Dunkerque, sillonnant les camps avec leur van chargé de préparations, sirops, pommades et autres remèdes aux plantes. La Française Noëlle Vescovali, médecin phytothérapeute à la retraite, a décidé de s'engager à leurs côtés comme référente médicale. Elle a déjà effectué 16 missions pour l'ONG : « C'est précieux de conjuguer humanitaire et médecine naturelle, et c'est pour moi une nouvelle manière de pratiquer la phytothérapie, différente du travail de prescription en cabinet, car là j'interviens sur des pathologies aiguës en soignant directement les patients. »

Elle raconte comment les exilés sont accueillis avec une tasse de thé chaud à base de gingembre, citron et mélisse pour « les réchauffer, soutenir leur système immunitaire et les apaiser ». Après un diagnostic, ils reçoivent des soins dispensés par des bénévoles formés aux premiers secours, et si possible en herboristerie. Comme Dorothée Guitton, paysanne-herboriste bretonne, qui a passé l'an dernier une semaine auprès des migrants, encadrée par Noëlle Vescovali. Une expérience très marquante : « Je me souviens de ces personnes aux pieds si abîmés par des mois de marche, à qui nous donnions un bain de pieds avec du chlorure de magnésium pour les soulager, un geste autant thérapeutique que symbolique pour leur témoigner notre solidarité. » Cette semaine-là, son équipe avait distribué à 500 migrants plus de 60 litres de stimulant immunitaire (échinacée, ortie, gingembre, citron) et autant de sirop contre la toux fabriqué avec de l'aunée, des baies de sureau, du thym…

En pratiquant aux côtés des herbalistes anglais, Noëlle et Dorothée ont découvert leur grand professionnalisme sur le terrain, aiguisé par une formation aussi académique que pratique (lire l'encadré p. 14). « C'est très précieux d'exercer la phytothérapie de manière clinique auprès des herboristes de la Mobile Herbal Clinic. Dommage que les formations d'herboriste en France ne prévoient pas de stage clinique ! », regrette Dorothée Guitton. Les préparations dispensées par Mobile Herbal Clinic ont été créées à l'origine par l'herboriste anglaise Melissa Ronaldson et des phytothérapeutes experts en médecine de premiers secours. « Nos recettes ont beaucoup évolué depuis, grâce à l'apport des migrants eux-mêmes, qui partagent leurs remèdes utilisés en médecine naturelle. Certains sont d'ailleurs infirmiers, pharmaciens ou étudiants en médecine dans leur pays », précise Paine Höhne.

Outre-Manche, l'herboristerie a droit de cité

Sureau

En Grande-Bretagne, le diplôme d'herboriste est non seulement reconnu, mais il est délivré après une formation universitaire scientifique rigoureuse. Ce cursus de quatre ans aborde autant la botanique, la phytochimie que l'anatomie, la physiologie, la pathologie et la pharmacologie. Les élèves font en général jusqu'à un an de stage en hôpital ou clinique. Contrairement à la France, les herboristes diplômés ont le droit d'exercer dans les hôpitaux, les services de santé nationaux et sont même autorisés à établir des diagnostics.

Bainds bouche, onguents : les migrants aussi partagent leurs remèdes

Par respect pour les préférences culturelles de ces réfugiés, les formules privilégient une base de macérat glycériné sans alcool et sans sucre pour s'adapter « aux préoccupations dentaires, immunitaires ou métaboliques ». Des recettes modifiées également selon la disponibilité des plantes et leur durabilité. Ainsi l'orme rouge, trop menacé, n'est plus utilisé pour les troubles digestifs. Chacun des remèdes naturels de MHC traite à la fois le symptôme aigu et le terrain, tel leur onguent contre les contusions dont Noëlle Vescovali a constaté l'efficacité remarquable sur les ecchymoses des réfugiés, grâce à « l'action anti-inflammatoire de la pâquerette et de la gaulthérie, mais aussi de la lavande anti-infectieuse, de la consoude et du millepertuis cicatrisants ». De même le mouth wash est un bain de bouche qui remplace le dentifrice – très rare dans les camps – et soulage les douleurs dentaires grâce à ses teneurs en saule, girofle, échinacée, myrrhe, etc.

Réseau d'herboristes solidaires

C'est Louise, paysanne herboriste britannique, qui coordonne près de Southampton la fabrication des médicaments à base de plantes. « Elle dédie à notre ONG une partie de ses cultures d'herbes médicinales et organise chaque mois des week-ends avec des volontaires pour récolter, traiter les plantes et réaliser les préparations nécessaires », explique Paine Höhne. D'autres contributeurs lui envoient également des plantes séchées et huiles macérées pour faire des remèdes en quantité suffisante. Des besoins si importants que Dorothée Guitton a commencé elle aussi à apporter son aide gracieuse : « Cette année, j'ai consacré une partie de mes cultures du Jardin de l'Arpente à MHC pour fournir 40 litres de macérats huileux : plantain, millepertuis, consoude, romarin… » Ce projet solidaire lui tenant à cœur, elle en a parlé à son collectif Paysannes herboristes du bout du monde pour voir comment monter une antenne locale d'entraide et se répartir le travail à plusieurs.

Dorothée espère repartir en ce début d'année en mission à Calais afin de « témoigner, au travers du soin, mon opposition à la violence que ces migrants subissent ». Pour être bénévole sur le terrain, il faut être préparé à des conditions humaines difficiles, prévient Noëlle Vescovali : « Chaque matin, on échange des infos entre ONG pour savoir où localiser les migrants, souvent victimes d'évictions forcées par les CRS et obligés de quitter leurs tentes éventrées. » Elle tient à saluer le courage de ces exilés au parcours semé d'embûches, qui « vaut tous les CV du monde… » Malgré ces difficultés logistiques et le défi permanent de récolter assez de dons pour financer ses activités, Mobile Herbal Clinic a pu soigner 10 000 personnes en cinq ans.

Remède à partager // Un onguent pour soulager coups, ecchymoses et entorses

HE de gaultheria

Voici l'une des préparations phares élaborées par les herboristes de Mobile Herbal Clinic. « Bruise ointment » est un onguent destiné à soigner les coups, les ecchymoses, et soulage également les entorses. Avec 5 % d'huiles essentielles, il ne convient pas aux jeunes enfants.

Ingrédients pour 250 ml d'onguent :

  • 100 ml d'huile infusée de pâquerette ou d'arnica (ou un mélange des deux)
  • 75 ml d'huile infusée de consoude
  • 50 ml d'huile infusée de millepertuis
  • 25 g de cire d'abeille
  • 8 ml d'huile essentielle de lavande
  • 5 ml d'huile essentielle de gaulthérie.

Préparation

1. Mélanger les huiles essentielles dans un pichet en métal ou en verre et les chauffer doucement au bain-marie dans une casserole d'eau bouillante.

2. Ajouter la cire d'abeille et remuer jusqu'à dissolution complète.

3. Retirer du feu et ajouter rapidement les huiles essentielles en remuant.

4. Verser dans un bocal.

Pour soutenir Mobile Herbal Clinic

L'ONG Mobile Herbal Clinic fonctionne uniquement grâce aux dons des particuliers et à quelques petites subventions. Une semaine de mission à Calais et Dunkerque coûte entre 3 000 et 4 000 €. Si vous souhaitez apporter votre contribution à cette association, plusieurs solutions sont possibles.

• Donner directement de l'argent sur le site en ligne de l'association : Crowdfunder.co.uk/p/mobile-herbal-clinic-calais

• Devenir bénévole dans les camps de Calais et Dunkerque. Pour cela, il faut parler anglais et avoir reçu une formation aux premiers secours ou en médecine. Les personnes compétentes en herboristerie sont également bienvenues.

• Soutenir l'ONG en s'impliquant dans les collectes de fonds, l'administration, la comptabilité, les relations publiques. Là aussi, l'anglais est requis pour échanger avec les équipes sur internet.

• Informations sur Mobileherbalclinic.org

En aucun cas les informations et conseils proposés sur le site Plantes & Santé ne sont susceptibles de se substituer à une consultation ou un diagnostic formulé par un médecin ou un professionnel de santé, seuls en mesure d’évaluer adéquatement votre état de santé.
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