Dossier
Cultiver un rapport sensible au végétal (10/15)
Communication, plaisir et même attachement… De plus en plus de personnes envisagent de se rapprocher des plantes, des arbres en impliquant leur sensibilité, leur affect, leurs émotions. Rencontre avec ces paysans, herboristes, écologues, thérapeutes… qui, tout en développant une alliance profonde avec le vivant, ouvrent de nouvelles voies de connaissance.
© © Jardins de Baugnac
Franck Terras " S'ancrer avant de planter "
Franck Terras s’appuie sur une communication et une collaboration sensible avec son jardin, pour une meilleure production. Une relation en permanente évolution avec la nature, où rien n’est jamais acquis.
" L’expérience est parfois plus forte que les livres ". Franck Terras donne le ton. Inspiré par les écrits de Machaelle Small Wright, auteure de Co-Creative Science* et cultivatrice du très visité jardin de Perelandra, au sud-ouest de Washington, Franck Terras, ex-ingénieur du son, vit aujourd’hui de plusieurs microactivités : animateur de circuits courts alimentaires, propriétaire de gîtes ruraux et heureux jardinier à Baugnac (Haute-Garonne). Il a beaucoup appris de l’observation de son " bout de terrain ", intégrant sans le savoir la base du jardinage cocréatif, qu’il...
découvrira des années plus tard. " Se poser, s’ancrer et observer la nature en utilisant tous ses sens est indispensable avant de planter quoi que ce soit. " Il se formera ensuite auprès de François Deporte, vulgarisateur français de la technique de culture cocréative : " Il y a un protocole. Vous devez définir des objectifs justes et réalisables. Les miens : que mon jardin donne à manger à ma famille, qu’il nous apporte un complément de revenus et, si possible, qu’il nous permette d’offrir un panier de légumes frais aux hôtes de nos gîtes. Une fois en place dans votre jardin et relié à vos objectifs, vous allez poser des questions précises auxquelles il pourra vous répondre par oui ou par non ". Franck Terras utilise pour ce faire un pendule ou des tests de kinésiologue. Parfois, les réponses sont surprenantes. Elles peuvent prendre la forme d’intuitions appelées " involutions ". Dans tous les cas, il faut parvenir à un total lâcher-prise.
C’est ainsi qu’en 2023, Franck s’est laissé guider par cette communication lui indiquant de ne planter que 80 plants de tomates, au lieu des 350 plants habituels. " J’ai obtenu une récolte exceptionnelle. Si je ne l’avais pas écouté, j’aurais perdu du temps et de l’argent, car il y aurait eu du gâchis ". Franck a développé de nombreuses qualités en ajustant sa méthode : humilité, goût du risque, souplesse, dévouement, force physique, persévérance… Il a mis au moins cinq années, marquées par beaucoup de remises en question, pour s’approprier la méthode et qu’elle porte réellement ses fruits. " On sait si on est dans le vrai en fonction des résultats, et ce sur des cycles de 12 mois, correspondant au temps de la nature. Rien n’est jamais acquis. Ce qui marche deux ans d’affilée ne fonctionnera peut-être pas la troisième année, car on n’est pas dans un dispositif ultra-contrôlé comme en culture conventionnelle. " Et de conclure : " Plus on sait épouser les changements, meilleure est la relation avec notre jardin, et plus elle est durable. "